Baisse des intentions d'embauches : zoom sur le marché de l’emploi en 2025

Un ralentissement brutal du marché de l’emploi

Après une période post-Covid marquée par une reprise vive des embauches, 2025 marque un net recul des projets de recrutement. Selon l’enquête annuelle de France Travail, seulement 2,4 millions d’embauches sont prévues cette année, soit une baisse de 12,5% par rapport à 2024. Cette évolution reflète une inquiétude grandissante du côté des employeurs et une reconfiguration du marché de l’emploi, désormais plus restreint et plus exigeant.

Des facteurs économiques et géopolitiques qui freinent les entreprises

La baisse des embauches n’est pas un phénomène isolé, elle est alimentée par une série de facteurs économiques et géopolitiques qui pèsent directement sur la capacité et la volonté des entreprises à recruter

L’incertitude mondiale grippe la machine économique

  • Le conflit en Ukraine, qui dure depuis plus de deux ans, continue d’exercer une pression forte sur les chaînes d’approvisionnement et les prix de l’énergie

  • Le retour de Donald Trump dans le jeu politique américain alimente des tensions commerciales potentielles, sources de nouvelles perturbations pour les marchés européens

  • Le ralentissement économique de l’Allemagne, premier partenaire commercial de la France, impacte indirectement les carnets de commandes des industriels francais

Une inflation persistante, bien que modérée

Malgré un ralentissement en 2024, l’inflation reste supérieure à 3 % dans plusieurs secteurs stratégiques. Ce niveau encore élevé se traduit par une hausse des coûts salariaux, des loyers commerciaux et des investissements de production. Nombre d’entreprises préfèrent geler leurs recrutements plutôt que d’augmenter leur masse salariale dans ce climat tendu.

Le contrecoup économique de la pandémie Covid19

La crise sanitaire mondiale a laissé des traces : dettes publiques alourdies, tensions sur les chaînes logistiques, nouvelles attentes sociétales vis à vis du travail. Les entreprises ont dû revoir leur organisation, investir dans la digitalisation, restructurer leurs modèles économiques. Aujourd’hui, les sociétés cherchent à stabiliser ces transformations, souvent au détriment de nouveaux recrutements.

Une politique budgétaire prudente

Alors que le gouvernement Bayrou cherche 40 milliards pour équilibrer le budget 2026, les entreprises hésitent à s’engager durablement sans visibilité sur les charges à venir ou les éventuelles aides. Dans un contexte de déficit public sous surveillance, les réformes fiscales et sociales en cours créent un climat d’attentisme.

Les chiffres-clés à retenir

  • Projets de recrutement : 2,4 millions en 2025 (versus 2,8 millions en 2024)

  • Entreprises prévoyant de recruter : 24%, en baisse de 3 points

  • Embauches en CDI : 43,8%, en hausse (signe de recherches de profils plus stables)

  • Recrutements jugés difficiles : 50,1%, en légère baisse (effet du recul global)

Les secteurs les plus touchés

Selon les données les plus récentes, les secteurs en recul sont ceux historiquement associés à des cycles économiques sensibles ou à forte intensité de main d’oeuvre :

les secteurs d'activité les plus affectés par la baisse des embauches

La construction souffre d’une crise du logement persistante et de la fin progressive des aides à la rénovation énergétique. L’industrie, quant à elle, subit de plein fouet les surcoûts énergétiques et la baisse de la demande européenne.

Des territoires également en repli

La baisse des plans de recrutement est un ralentissement national avec un impact régional :

  • Île-de-France -10%

  • Hauts-de-France -10,7%

  • Bourgogne-Franche-Comté -12,1%

  • Occitanie -16,7%

Même les zones traditionnellement dynamiques enregistrent un net ralentissement, preuve que le phénomène dépasse les simples déséquilibres locaux.

L’analyse d’un expert en recrutement

Julien Morvan, consultant en recrutement et fondateur du cabinet RH Aveniris, nous livre son analyse :

"Les entreprises entrent dans une phase de prudence extrême. Elles recrutent moins, mais mieux. Elles privilégient les profils expérimentés, immédiatement opérationnels, avec un bon potentiel d’adaptation. Pour les demandeurs d’emploi, cela signifie qu’il faut non seulement se démarquer, mais aussi démontrer sa valeur dès le premier échange."

Quelles conséquences pour les chercheurs d’emploi ?

Ce resserrement du marché n’est pas synonyme d’impossibilité de trouver un emploi, mais il oblige à revoir ses méthodes :

  • Moins d’opportunités visibles : les offres publiées en ligne sont moins nombreuses. Il est donc essentiel d’activer les réseaux professionnels (LinkedIn, anciens collègues, forums) et de multiplier les candidatures spontanées ciblées

  • Plus de concurrence : les postes ouverts attirent plus de candidatures, ce qui pousse les recruteurs à privilégier des profils très ajustés à leurs besoins. Un CV générique n’a plus sa place

  • Des soft skills valorisées : l’adaptabilité, la communication, la gestion du stress ou la capacité à travailler en autonomie deviennent aussi importantes que les diplômes

  • Des temporalités plus longues : les processus de recrutement s’allongent, les phases d’évaluation sont plus exigeantes

Des perspectives pour les mois à venir

Si la tendance reste baissière à l’horizon de l’été 2025, plusieurs signaux peuvent donner lieu à un rebond modéré à la fin de l’année :

  • Baisse attendue des taux d’intérêt : cela pourrait relancer les investissements dans l’industrie et la construction

  • Adaptation progressive des entreprises : les structures qui auront achevé leur transformation numérique ou énergétique pourraient rouvrir les vannes du recrutement

  • Poussée du marché de l’emploi dans l’économie verte : rénovation énergétique, mobilité douce, agro-écologie sont autant de niches créatrices d’emplois à moyen terme

Cependant, aucun retour au niveau de 2023 n’est anticipé avant 2026 selon les projections des instituts économiques (Rexecode / OFCE).

Le marché de l’emploi français en 2025 entre dans une phase de transition. Le volume des offres diminue, mais la qualité des profils recherchés augmente. Pour les demandeurs d’emploi, cela implique de se repositionner, de se former et de renforcer leur visibilité sur les canaux professionnels. La clé sera la capacité d’adaptation, face à un marché moins volumineux, mais toujours en quête de talents différenciants.